Pleine Conscience à l'école : La France adopte une position irréfléchie
Pleine Conscience et méditation laïque: démêler le vrai du faux
Un certain nombre d’organisations sont intervenus auprès de Monsieur Blanquer, Ministre de l’Education Nationale pour critiquer la présence de la pleine conscience en milieu scolaire.
La décision prise par le ministre d’interdire cette approche va à l’encontre de ce qui se pratique dans le monde aujourd’hui.
La pratiquant depuis 35 ans, je me sens autorisé à donner un avis sur le sujet.
Dans mon article publié le 24 février, je livrais beaucoup d’informations, notamment scientifiques, qui validaient cette approche.
Je vais ici compléter, dans un premier temps par une information JUSTE, sur ce qu’est réellement la pratique de la pleine conscience, appelée aussi “Mindfulness”.
Elle repose comme nous allons le voir, exclusivement sur des faits.
NE PAS CONFONDRE RELIGION, SPIRITUALITE ET PHILOSOPHIE
Un préalable s’impose ici. Faire une différence entre religion, spiritualité et philosophie.
La religion s’inscrit dans une croyance. Celle-ci appartient à chacun et n’a pas à être débattue ici.
La spiritualité, « c’est la quête de sens, la quête de soi, l'alignement avec soi, l'élévation de soi, la révélation de soi » …
« C’est aussi prendre le temps d'écouter et de sentir ce que l'univers essaye de nous partager, en nous, autour de nous, au-dessus de nous ».
La philosophie,nous dit le Robert, est l’« Ensemble des questions que l'être humain peut se poser sur lui-même et examen des réponses qu'il peut y apporter ; vision systématique et générale (mais non scientifique) du monde »c’est aussi l« amour du savoir » et communément « amour de la sagesse ». C’est une démarche qui vise à une compréhension du monde et de la vie par une réflexion rationnelle et critique » (Wikipédia).
La spiritualité et la philosophie sont par leur définition très proches l’une de l’autre.
En résumé je dirai les concernant : c’est la recherche de Sagesse dans tous les actes de notre quotidien. C’est savoir exprimer des points de vue mais avec la volonté de se retrouver sur l’essentiel, sans controverses stériles.
Un très bel exemple nous est donné dans un magnifique ouvrage qui réunit un médecin psychiatre, Christophe André, un philosophe, Alexandre Jollien et un moine bouddhiste, Matthieu Ricard. Ce livre ? « Trois amis en quête de Sagesse ». A lire absolument !
L’approche proposée ici par la Pleine Conscience est une pratique de la méditation qui s’inspire d’une tradition deux fois et demie millénaire, le bouddhisme. Le bouddhisme en ce sens est à la fois spiritualité et philosophie.
Des recherches scientifiques ont été menées depuis plus de 50 ans sur la méditation prônée par cette philosophie.
Elles ont permis de mettre en place une méthodelaïque de la méditation, détaché de tout aspect religieux.
Ces recherches valident aujourd’hui les bienfaits de la méditation.
IL Y A MEDITATION ET MEDITATION
La méditation est une pratique très ancienne que l’on trouve dans toutes les traditions.
Aujourd’hui, nous pouvons distinguer principalement 2 types d’approches : l’approche dite spirituelle et celle dite laïque.
J’ai pu notamment lors des 2 premiers colloques nationaux (2019-2021) organisés sur la bienveillance, en expliquer les différences.
La première, et plus particulièrement celle prenant sa source dans le bouddhisme est une pratique qui vise à atteindre l’Eveil pour le bien de tous les êtres.
La seconde, comme nous venons de le voir,s’inspire aussi de cette tradition. Elle s’en différencie dans la mesure où elle a fait l’objet de très nombreuses recherches en laboratoire. Elle estvalidée aujourd’hui par la science dans une approche laïque.
Elle consiste tout simplement à prendre conscience de l’expérience vécue et d’user pleinement de ses capacités !
LE PROFESSEUR JON KABAT-ZINN
La présentation qu’en font les organisations qui sont intervenues auprès du Ministre de l’Education est infondée.
Ce scientifique -issu du célèbre M.I.T.- est professeur de médecine à l’université du Massachusetts.
Il a créé voilà maintenant une trentaine d’année la clinique de réduction du stress. Il est l’auteur de la MBSR (réduction du stress basé sur la Pleine Conscience). Si cette approche s’inspire à l’origine du bouddhisme, son approche est bien laïque.
Un livre majeur écrit par Jon KABAT-ZINN résume cette approche : « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience ». Ce qu’en dit Christophe André dans sa préface est particulièrement éclairant : « s’il y est aussi un grand livre, c’est parce qu’il introduit un changement majeur dans notre manière de comprendre la souffrance et surtout d’agir sur elle ».
Cette méthode est pratiquée aujourd’hui dans plus de 600 hôpitaux et centres médicaux à travers le monde.En France elle est pratiquée à Paris, à l’hôpital Sainte Anne. Elle l’est aussi à Mezieu, à la clinique Lyon lumière, à Lille, au CHRU. L’université de Strasbourg a même créé le Diplôme Universitaire : « médecine, méditation et Pleine conscience ». Plus récemment, c’est l’université d’Orléans qui a validé un mémoire « la méditation de Pleine Conscience » dans le cadre d’un Master Métiers de l’Enseignement.
Elle est aussi pratiquée en milieu scolaire dans de très nombreux pays de par le monde.
QU’EST-CE QUE LA PLEINE CONSCIENCE ?
La Pleine Conscience c’est tout simplement cultiver un autre rapport à nos pensées.
La définition qu’en donne wikipédia est la suivante : « la méditation ne consiste pas à penser à rien mais plutôt à orienter son attention de manière systématique sur ses sensations, sur sa respiration ou tout autre phénomène psychologique ».
C’est une manière habile de découvrir notre manière de fonctionner.
Nous vivons dans un monde particulièrement agité, raison suffisante pour apprendre à calmer et orienter notre propre mental.
Cetapprentissage de la Pleine Conscience permet de mieux comprendre nos états émotionnels. Il s’agit de comprendre comment les accueillir pour mieux les transformer quand ils sont source de violence, de souffrance, de peurs, etc…
C’est une démarche de base, laïque quin’a pas les mêmes objectifs que celle pratiquée par lesgrands méditants de la traditionbouddhiste.; Cette dernière nécessite un entrainement considérable. On pourrait le comparer à celui d’un sportif de haut niveau.
LA PLEINE CONSCIENCE EN MILIEU SCOLAIRE
D’abord quelques observations.
Le système tel que nous le vivons aujourd’hui ne permet pas aux jeunes d’évoluer sereinement. Difficile de ne pas en convenir !
L’utilisation abusive des téléphones portables qui mènent à l’isolement, les jeux agressifs qui sont proposés sur les consoles et qui conduisent à la violence, l’usage prématuré de substances nocives qui nuisent au bon développement cérébral… Tout cela contribue à un renforcement de l’individualisme tout en favorisant des comportements agressifs.
Est-ce cela que nous voulons ?
La Pleine Conscience en milieu scolaire n’aborde en aucun cas les pratiques spirituelles des méditants expérimentés.
Il convient ici de faire un rappel sur deux découvertes majeures faites dans le champ des neurosciences et de ce qu’elles nous disent. Ces découvertes concernent la plasticité neuronale et le fonctionnement dual du cerveau.
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La plasticité neuronale (travaux de Geoffrey Raisman – 1969) montre que dès l’enfance, l’expérience vécue agit sur la structure anatomique du cerveau.
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Le fonctionnement dual du cerveau a mis en évidence le concept de système 1 et 2 (Keith Stanovich et Richard West). En clair, le système 1 correspond à nos automatismes. Le système 2 correspond aux expériences où l’attention est focalisée. Il est« le reflet de notre volonté » nous dit le Professeur Damier. Et d’ajouter : « il apparaît que les principaux moyens vus pour réduire les biais décisionnels potentiels passent par le système 2 : prendre conscience du biais potentiel, faire attention au jugement hâtif, utiliser d’autres sources d’informations ».
Bien que le flot continu de nouvelles alarmantes inondent notre quotidien, que cela ne nous fasse pas oublier que nous vivons une période extraordinaire. Celle de découvertes scientifiques majeures pour la survie de l’humanité.
La Pleine Conscience en est une. Elle n’est pas simplement qu’une technique. C'est une prise de conscience que nous pouvons apprendre à exister autrement, à découvrir notre vraie nature.C’est la création d’un nouvel espace qui nous libère de nos conditionnements.
Elle peut se pratiquer de manière informelle qui consiste à travailler sur des habitudes quotidiennes comme manger, boire, marcher mais en portant son attention sur les sensations ressenties.
La pratique formelle consiste à se réserver un temps quotidien pour se concentrer sur un objet d’attention en observant ce qui se présente à ce moment-là dans l’esprit, sans jugement.
Dans son livre « Décider en toute connaissance de Soi », que nous en dit le Professeur Philippe Damier, professeur de neurologie au CHU de Nantes ?
« Vue sous l’angle neuroscientifique, la méditation vise à l’obtention du contrôle des capacités attentionnelles. »
L’une des approches de la Pleine Conscience en milieu scolaire et les plus utilisés, on la doit à Eline Snel.
Eline Snel a créé en 2008 aux Pays-Bas, une Académie pour enseigner cette méthode. Elle forme dans toute l’Europe des instituteurs et des psychologues, mais également les parents et leurs enfants. Rien d’ésotérique à tout cela.
La Pleine Conscience développe principalement, l’attention, le calme mental, la confiance en soi, et l’empathie vis-à-vis des autres. Elle permet aussi de réguler les émotions comme éviter la violence par exemple. Ici, le choix sera porté sur la communication.
Elle permet aussi de diminuer l’angoisse des élèves lors des évaluation scolaires.
Mais elle a aussi un autre objectif, celui de permettre à des jeunes enfants de construire plus sereinement leur personnalité et par voie de conséquence, leur avenir. Toutes les recherches menées dans le champ des neurosciences le confirment.
Pour mesurer les effets de la pleine conscience, il faut comme dans toute discipline, y consacrer chaque jour, du temps. Les effets peuvent être observables au bout de quelques semaines.
On peut commencer par de courtes périodes allant de quelques minutes à 20 minutes.
L’O.M.S. N’EST PAS EN RESTE !
L’O.M.S.indique que « la dépression pourrait devenir la première cause d’invalidité à travers le monde d’ici 2030" et définit la santé mentale comme l’un des aspects du bien-être permettant à chacun « de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter concentration et attention à un enfant de 6 à 8 ans, pour que la méditation puisse atteindre le plus efficacement ses objectifs ».
Jean-Pierre Méchin
